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       Denis SALAS,

 

Magistrat, Directeur scientifique de la revue Les Cahiers de la Justice (ENM/Dalloz)

Président de l'Association Française pour l'Histoire de la Justice (A.F.H.J)

PARUTION 2018 (DDB)
PARUTION 2018 (DDB)

Nouveau livre - sortie JUIN 2015

Nouveau livre - sortie le 10 janvier 2014

Le courage de juger

Editions Bayard

Denis Salas, Le courage de juger, Entretien avec Frédéric Niel. Bayard, 2014, 228 pages, 18 €

Revue Etudes, septembre 2014 53

Un beau livre, comme on pouvait l’attendre de son auteur. Il y a trois fils conducteurs : la carrière d’un magistrat qui aura été aussi son initiation au courage – c’est-à-dire, comme le dit l’épilogue, au courage de penser par soi-même qui est aussi le courage d’hésiter ; une méditation sur l’évolution politique, au sens le plus large, de notre société ; une évaluation de tous les domaines concernant la justice pénale. La réflexion menée est profonde, elle chemine à travers tous les lieux maintes fois visités par ceux qui se préoccupent de pénalité, mais elle les soumet à une mise en perspective qui doit beaucoup à la fréquentation de Paul Ricœur puisqu’elle se fonde sur la question : qui est, en ce lieu, maître du récit ? Il en résulte la compréhension neuve de beaucoup d’aspects, permettant d’intégrer des noyaux apparemment hétérogènes et de donner une lecture positive de tendances très étrangères à la culture juridique française. C’est ainsi que la justice « restaurative » qui travaille à la reconstruction des victimes à partir d’une mise en relation avec des agresseurs, ou encore la question prioritaire de constitutionnalité qui, sous certaines conditions, permet à tout citoyen de contester la loi qu’on veut lui appliquer, reçoivent ici un accueil favorable. Ce n’est pas fréquent. C’est sans doute ce qui fait la force de cet ouvrage : il invite à s’ouvrir à ce qui travaille la société dans ses profondeurs en se demandant quel est le meilleur de ce qui cherche passage en elle. L’auteur est d’une indépendance d’esprit rare, ce qui donne d’autant plus de poids à sa présentation hallucinante de ce que furent les rapports entre la justice et le pouvoir exécutif pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. Sommes-nous vraiment en train de changer le paradigme de la justice ? Il semble bien que oui, avec la fragilité liée à toute entreprise portée par la seule personne de la Garde des sceaux et non l’ensemble du pouvoir. Il semble cependant que la France s’oriente enfin vers un véritable équilibre entre les pouvoirs – contre la sacralisation d’une volonté générale omnisciente, bref, qu’elle donne enfin sa préférence, comme le suggère l’auteur, à Montesquieu plutôt qu’à Rousseau.

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■ Alain Cugno